Je ne sais pas pour vous mais en ce qui me concerne (et je me mords l'intérieur des joues de honte de vous imposer mes interrogations les plus intimes et les moins profondes), je ne comprends absolument rien à cette «crise de la dette». Cela dit, je me suis tout de même récemment surpris à vérifier s'il n'y avait pas des pièces grecques dans la monnaie du pain. En vue de les collectionner, assuré de voir leur valeur s'envoler auprès des vautours numismates si les Hellènes venaient à quitter la zone euro...
Tout d'abord, je ne peux m'empêcher de penser qu'une contrepèterie se tapit sournoisement dans cette expression incongrue censée imager cette période trouble qui voit le crédit de la Grèce (au sens propre comme au figuré) fondre comme de la feta au soleil ; qui voit l'Italie affoler les compteurs avec une dette représentant 120% de son PIB ; avec le triple A de la France sous surveillance qui risque bien selon l'issue de l'évaluation d'en faire passer plus d'un pour des andouilles. Depuis qu'on en parle, je cherche toutefois et vainement le contrepet sur la toile s'il y est.
Syntaxiquement, paradoxalement (je milite ardemment pour la réhabilitation de l'usage des adverbes dans la langue française) l'expression «crise de la dette» sous-entend selon moi que la dette est en crise. Alors qu'elle se porte au contraire comme un charme ! Si l'on parle en ces termes de la crise de la zone euro (au lieu d'appeler un chat un félin et de parler de crise de la finance), c'est à mon avis moins pour des raisons sémantiques que pour endormir le bon peuple. Peuple qui, à coup sûr, prendrait peur et irait comme un seul homme retirer son argent de la banque pour le planquer dans une lessiveuse ou entre le matelas et le sommier. Au grand dam de la cadette qui y planque son journal intime et de l'aîné qui y cache ces magazines dénudants piqués à papa.
La semaine dernière, aux environs de 20 heures 22 et du dessert, alors que le chef de notre état encensait le modèle allemand, clamant haut et fort que la lumière viendrait de l'est, prônant ainsi une nouvelle politique d'«Ostérité», je me suis penché plus avant sur la question en allant lire quantités d'articles sérieux et faisant référence en matière d'économie.
Aparté : je parle bien ici de l'Économie avec un grand «É», en tant que discipline et au sens politique et économique du terme justement. Celle qui représente «l'ensemble de ce qui concerne la production, la répartition et la consommation des richesses et de l'activité que les hommes vivant en société déploient à cet effet». Et non la triviale conception de «l'art de réduire la dépense dans la gestion de ses biens, de ses revenus» qui nous fait manger des nouilles dès le quinze du mois au lieu de continuer à nous gaver de caviar et de foie gras à crédit jusqu'au 31 du mois suivant.
Je me suis donc incliné à l'extrême sur ces questions et ces concepts difficiles pour finalement me rendre à l'évidence que je n'y entravais effectivement strictement rien. Il faut dire qu'il y avait eu des précédents. Dont le plus retentissant a sûrement été mon transfert de la première économique et social vers une terminale littéraire plus adaptée à mon esprit davantage tourné vers les circonvolutions de la langue que vers le cartésianisme et la rigueur mathématique. Je confesse sans honte n'avoir jamais rien saisi aux mécanismes inflationnistes, déflationnistes, aux subprimes, aux taux d'intérêts, au PIB, au PNB, au marché, à la micro et à la macroéconomie, aux fonds de placement... À la finance en général et en fait. Ce qui ne m'a pas empêché d'avoir mon bac, mais a fortement contrarié ma vocation de directeur du FMI ou de je ne sais quel organe économique ou financier.
Parce qu'elle tient le haut de l'affiche médiatique depuis des semaines, la crise n'a de cesse de m'interpeller. «Quand j'écoute trop Wagner, j'ai envie d'envahir la Pologne» a dit Woody Allen dans Meurtre mystérieux à Manhattan. C'est un peu facile, mais à force de n'entendre parler que de la Grèce, de Papandréou et du retour de la Drachme, j'ai fini par brûler toute ma discographie de Demis Roussos et Nana Mouskouri par mesure de rétorsion envers ces artistes qui ne m'ont rien fait mais qui symbolisent à mes yeux la flamboyante hellénitude dont je me passerais volontiers. En revanche, je n'ai pu me résoudre à faire subir le même sort à ma collection de singles dispensables de Georgios Kyriákos Panayótou et aux merveilles lyriques de Míkis Theodorákis. La nostalgie des années 80 peut-être. Ou mon goût pour les musiques commerciales et les bandes originales de films. Films qui parlent d'amitiés improbables et qui feraient aimer le Sirtaki et le bouzouki aux moins mélomanes d'entre nous.
Quoi qu'il en soit, les derniers développements tendraient à montrer que l'Europe serait solidaire et ne laisserait pas tomber Athènes comme une vieille cothurne, mettant à contribution tout ce que l'Union possède d'acronymes : de FESF en DTS, de BCE en CSF. Tandis qu'en Allemagne, en France, en Italie, en Grèce même, les anonymes relayés par des sondages alarmistes et un rien populistes commencent à vouloir quitter le navire Europe. Hier, j'ai cru entendre Mario Draghi dire qu'il réfléchissait sérieusement à la création du «FESSU», le Fonds Européen de Soutien et de Secours de l'Union... J'ai sûrement rêvé. Ou simplement eu envie de faire ce jeu de mot iconoclaste inutilement grivois pour me moquer d'une institution qui, il y a encore peu de temps et par la voix de son directeur répondant ironiquement au nom de Trichet, sermonnait la Grèce pour avoir camouflé ses comptes...
Au lendemain du dernier G20, à peine essuyé le camouflet américain (le président Obama a perfidement brocardé le physique du chef des Français laissant entendre qu'il vaudrait mieux que la nouvelle-née tienne de sa maman plutôt que de son papa), notre président de la république a déclaré que la France allait faire atterrir l'aigle américain en réussissant à instaurer une taxe sur les transactions financières jusque-là inadmissible. Et les Français de se réjouir que leur leader s'emploie sans relâche à redorer blasons et monnaie unique pour retrouver le lustre d'avant, pour regagner la confiance perdue, demandant efforts et sacrifices à longueur d'interviews téléguidées.
C'est certain : le coq gaulois peut et doit relever la tête. Et regarder fièrement plein d'une confiance indéfectible en ses dirigeants l'avenir sombre qui nous semble promis. Au pire, on pourra toujours compter sur l'expertise de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement... La France s'enorgueillit d'ailleurs de compter parmi ses ressortissants plusieurs anciens dirigeants de cette noble institution chargée de faciliter le passage à une économie de marché : Jacques Attali (président de la Commission pour la libération de la croissance française et auteur du rapport «Une ambition pour dix ans» proposant des pistes de sorties de crise remis en octobre 2010 au Président de la République française), Jacques de Larosière et Jean Lemierre (tous les deux conseillers auprès du président de BNP Paribas depuis la fin de leur mandat).
De toute façon (et c'est bien connu) le coq est le seul animal au monde qui chante les deux pieds dans la Berd...
DB
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