Mercredi 26 octobre la direction du groupe PSA annonçait la suppression de 6800 postes en Europe dans le cadre de son programme de réduction des coûts de production. Même si le plan n’est pas encore finalisé cela concernerait 800 postes d’intérimaires en France d’ici à fin 2011 auxquels s’ajouteraient 1000 postes en production, sous la forme de départs volontaires, le reste des suppressions étant concentrées sur le secteur hors production (marketing, informatique) aussi bien au sein de PSA que chez les prestataires externes.
Le cynisme de Varin
Mi-septembre Philippe Varin, le PDG du groupe, avait déjà laissé entendre ce qui se tramait en affirmant, non sans une certaine dose de cynisme, qu’il « n’y a pas de réduction des coûts sans réduction d’effectifs ». Pour maintenir sa compétitivité dans le contexte de « guerre des prix » des petites berlines sur le marché européen PSA est prêt à renoncer à son poste de pseudo bon élève des constructeurs automobiles français, à savoir celui qui, à la différence de Renault, ne délocalisait pas sa production à l’étranger pour faire des économies. Par-delà l’aspect chauvin du discours sur le « produire français » et le fait que PSA a déjà supprimé des milliers de postes au cours des dernières années et a même fermé le site logistique de Melun-Sénart, ce qui est en jeu c’est un passage à une vitesse supérieure dans les attaques contre les salariés.
Les 3 milliards offerts par le gouvernement Sarkozy et l’augmentation du chiffre d’affaires global de PSA de 3,5% au troisième trimestre 2011 et les 257 millions d’euros de dividendes payés aux actionnaires en 2011 n’empêchent pas ces derniers de vouloir faire payer les effets de la crise que connaît le secteur aux travailleurs. Les suppressions de postes annoncées ne sont que le premier épisode d’une guerre ouverte par les patrons de PSA contre les salariés. Le deuxième coup qu’ils veulent porter consisterait en la fermeture pure et simple des sites d’Aulnay, de Sevelnord et de Madrid après les présidentielles de 2012.
L’augmentation du taux d’exploitation, une priorité pour le patron de PSA
Dans le cadre du plan de préservation des profits, plus communément appeler « plan de performance » dont le but ultime est de faire « baisser le nombre de travailleurs excédentaires », les intérimaires, les anciens qui n’arrivent plus à tenir leur poste, les ouvriers malades qui sont détruits par des années de travail, les « excédentaires » donc sont poussé vers la sortie, voire licenciés pour des raisons parfaitement aberrantes. On songera ainsi à cette salariée malade et qui était affectée à un poste à capacité restreinte sur le site de Mulhouse et qui ne pouvait pas tenir son poste. La direction a tout simplement monté un dossier contre elle pour insubordination envers sa hiérarchie, en arguant qu’elle ne mettait pas assez de bonne volonté pour se former sur son nouveau poste.
Nous somme confrontés à la recherche effrénée de gains de productivité par la suppression de postes de travail et la surcharge sur les postes restants. Voilà ce que signifie le toyotisme à la sauce PSA et qui a permis à l’entreprise de réaliser de substantiels gains en termes de productivité et de suppressions. Le plan d’économie de 800 millions qui est également un des objectifs se fait quasi exclusivement sur le dos de ceux qui triment au boulot. C’est pourquoi l’axe sur lequel nous devons mettre l’accent est l’embauche de tous les précaires mais aussi la création de postes de travail pour soulager l’ensemble des travailleurs.
Souder nos rangs
Pour faire passer ces attaques la direction de PSA se sert de vielles méthodes visant à tromper et diviser les travailleurs : licenciements déguisés en départs volontaires (qui souvent sont assez peu « volontaires »), non-renouvellements des contrats des intérimaires et des sous-traitants, tentatives de division des salariés des différentes catégories, entre les sites de production, les technocentres, les différents sites, différents pays, etc. Pour y faire face, il est indispensable de retisser les liens que la direction veut briser.
Dans ce contexte la question de la défense des intérimaires devient donc décisive. De par la nature précaire de son statut lorsqu’un copain intérimaire quitte la boîte en fin de mission cela n’est pas vu comme un licenciement. Or ces travailleurs qui ont bossé comme les autres (voire plus) perdent leur boulot et se voient au chômage avec tout ce que cela implique. Pour la direction il s’agit d’une variable d’ajustement. S’il y a de la production rentable on les embauches, sinon on les vide.
De plus, les intérimaires subissent au quotidien des conditions de travail encore plus dures que celles des embauchés (qui sont loin d’être bonnes). Pendant les mois d’octobre, novembre et décembre, par exemple, il y aura pas mal de journées de chômage partiel sur les sites de PSA, conséquence des difficultés à écouler certaines voitures sur le marché. Depuis l’accord obtenu il y a deux ans, les embauchés sont payés à 98% du salaire net pour les journées chômées (en grande partie avec de l’argent public, et non pas des actionnaires, ce qui est tout à fait scandaleux). Cependant les intérimaires, eux, ne touchent rien du tout ! Imaginez ce que cela veut dire sur un mois comme celui de décembre où il y a déjà les congés (non-payés en ce qui les concerne). Si on rajoute sept journées de chômage, comme c’est le cas pour certains intérimaires sur le site du Mulhouse, combien auront-ils au final sur leur bulletin de paie juste avant les fêtes de fin d’année ? A PSA, ce n’est pas Noël pour tout le monde…
Pire encore dans le cadre des soi-disant « bonnes pratiques », la direction, avec l’aval des organisations syndicales à l’exception de la CGT, a mis en place un système d’avance sur salaire pour les intérimaires qui le désirent consistant à maintenir ou à limiter la perte après deux jours de chômage. Mais ce système n’est rien d’autre que de la poudre aux yeux, et pour cause. Les avances sont prises sur les indemnités de fin de mission, le treizième mois pour ceux qui en ont ou le salaire du mois suivant. En fait les intérimaires autofinancent leur chômage puisque les boites d’intérim leur retirent cet argent, alors que pour les salariés PSA il n’y pas de perte.
Il est inacceptable que les travailleurs intérimaires se fassent traiter comme ça et qu’en plus on annonce qu’on va en jeter 800 à la rue pour « réduire les coûts ». Il faut construire la plus grande solidarité, expliquer patiemment aux embauchés que si les intérimaires se font virer, c’est leurs conditions de travail qui se verront aggravées car la direction veut augmenter l’exploitation par tous les bouts : augmentation de la charge de travail et des cadences, réduction de l’absentéisme et tout l’arsenal répressif qui va avec. Un seul exemple : les méthodes pour imposer le « présentéisme » dans les usines du groupe PSA et à Mulhouse en particulier. Le système des lettres de culpabilisation que la direction envoie aux salariés « trop souvent » en arrêt maladie et qui les menacent de licenciement si leurs absences « perturbent » le secteur dans lequel ils travaillent a été rendu possible par la signature des organisations syndicales (à l’exception de la CGT et de la CFDT) de la nouvelle convention collective de la métallurgie du Haut-Rhin avec l’introduction de l’article 30 permettant l’envoi à nos domiciles des « médecins-flic » payés par PSA pour nous remettre au boulot, etc.
Il est clair donc qu’avec les suppressions de postes les embauchés risquent de devoir faire le même boulot avec moins d’effectifs. Mais au-delà même de ça il ne faut surtout pas naturaliser le fait qu’il existerait des travailleurs de première et deuxième zone : nous faisons le même boulot, nous devons avoir le même salaire et les mêmes droits ! D’autant plus que l’argent existe pour satisfaire ces revendications avec le trésor de guerre cumulé de plus de 11 milliard dans les caisses de PSA. Par ailleurs cette solidarité ne fera que nous renforcer dans nos luttes car dès que les intérimaires verront que les embauchés sont derrière eux, ils auront moins peur de rejoindre les débrayages et les grèves et la direction ne pourra pas utiliser leurs effectifs (qui correspondent à presque 40% sur certains secteurs, notamment dans les usines dites terminales, comme montage, peinture et ferrage) pour continuer à faire tourner la production et affaiblir les mouvements quand on se met en bagarre.
Préparer dès maintenant la bataille contre les licenciements et fermetures
Se battre pour le paiement des journées de chômage pour les intérimaires, dire que tout départ d’intérimaire est un licenciement et qu’aucun licenciement ne passera, construire des actions coordonnées sur tous les sites comme nous l’avons fait pour la question de la mutuelle, voilà ce qui nous permettra de commencer à nous mettre en ordre de bataille pour faire face à la guerre que PSA nous déclare.
Construire une résistance capable d’empêcher les attaques et les fermetures programmées par PSA est de plus un enjeu qui dépasse de loin le secteur automobile car il s’agit d’un secteur stratégique qui subit aujourd’hui une offensive centrale du patronat. En effet, si le patronat arrive à briser un des bastions les plus concentrés et organisés de notre classe comme c’est le cas du site d’Aulnay, ce sera beaucoup plus dur pour nos camarades dans des petites boîtes et avec une faible organisation pour se défendre de leur côté.
C’est le fait de savoir qui paiera la crise qui est en jeu. Même si ce n’est pas encore tout à fait le cas, les ventes de voiture vont baisser à un moment où à un autre et la direction commence déjà à nous passer la facture... et ce n’est qu’un début ! Pour les travailleurs il n’y a qu’une seule solution possible, le maintien de tous les emplois, l’embauche de tous les intérimaires et la réduction du temps de travail à la hauteur des baisses dans la production, sans réduction de salaire. Les actionnaires seront certainement scandalisés et diront qu’il n’y a pas d’argent pour continuer à payer les mêmes salaires alors que la production baisse. Mais nous savon très bien que de l’argent il y en a, et beaucoup, dans leurs comptes bancaires, maisons de luxe, yachts et placements financiers payés avec la sueur de notre travail au fil des ans. Et si on nous dit que ce n’est pas vrai, on demandera à regarder de plus prés et à publier les livres de comptabilité du groupe, les dividendes des actionnaires, les salaires des membres de la direction comme celui de Varin qui touche 9000 euros par jour, dimanches et jours fériés compris.
Pour arriver à imposer ce programme cependant il faudra dépasser tout corporatisme, mener une action coordonnée avec l’ensemble des salarié-e-s du groupe, depuis les chaines de montage jusqu’aux bureaux, surmonter les divisions, chercher la solidarité à l’extérieur du secteur automobile, voir même dans d’autres pays. Une journée d’action nationale pour l’embauche et le paiement des journées de chômage et contre tout licenciement des intérimaires et des copains et copines des entreprises sous-traitantes qui seront saignées également, un meeting international avec les camarades de Madrid et d’autres entreprises du secteur en Italie, Pologne, Allemagne etc. sur les attaques et les moyens d’y faire face de façon coordonnée, voilà qui pourrait être un bon point de départ.
Le NPA pourrait tenter d’appuyer dans ce sens, en proposant des initiatives communes avec LO dans la cadre d’une campagne commune contre les licenciements et les fermetures des sites de production. Tout ceci pourrait être bien accueilli par les travailleurs du secteur automobile mais également par l’ensemble de notre classe. On pourrait aller dans ce sens en réactivant le réseau mis en place autour de la Conférence internationale du secteur automobile mais aussi en faisant un axe de campagne là-dessus, en profitant de toute la médiatisation de Philippe Poutou, lui-même ouvrier à Ford Blanquefort, pour dénoncer le groupe PSA et appeler à la solidarité.
Vincent Duse, CGT, PSA Mulhouse
02/11/11
Site du Courant Communiste Révolutionnaire : www.ccr4.org
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