Puisque tout ce qu’on a essayé jusqu’ici ne marche manifestement pas, il serait judicieux, de la part des politiques comme des médias, de s’intéresser à toutes les théories, politiques et économiques, alternatives. Je vais vous confier une chose : cela ne se produira pas. Pour la plupart des gens qui ont voix au chapitre dans notre pays : there is no alternative.
Puisque les JT vont réchauffer les vieilles soupes dans les casseroles des hommes politiques, il ne reste plus que le web pour trouver du neuf, aussi je vous fais la liste de tout ce dont vous n’entendrez pas parler dans les médias, et qui vaut pourtant la peine de s’y intéresser.
La décroissance
Ça fait juste cinq ans que j’en parle ici et le mouvement existait déjà auparavant, c’est donc loin d’être une nouveauté, mais on n’en parle toujours pas plus que ça dans les médias dominants. Sauf bien sûr pour décrédibiliser le concept en présentant des allumés du retour à la terre, chantant des cantiques autour d’un feu de camp, ou fouillant dans les poubelles pour se nourrir des surplus de la société de consommation.Pourtant, une chose est sûre : la croissance infinie dans un monde fini est impossible. C’est juste un principe physique aussi indiscutable que la pesanteur, la relativité ou la poussée d’Archimède. J’ai du mal à comprendre pourquoi 98% de la classe politique continue à s’accrocher à la croissance comme une moule à son rocher, et pourquoi 95% des français y croient encore.
L’indicateur PIB est obsolète. S’il a pu représenter une certaine forme de progrès humain à une époque, ce n’est aujourd’hui clairement plus le cas. L’abandonner pour d’autres indicateurs plus pertinents est urgentissime. Je ne connais pas un seul journaliste qui interroge les politiques à ce sujet. Pour en savoir plus, lisez ou écoutez Serge Latouche, Paul Ariès, Hervé Kempf. Des centaines de vidéos circulent sur le web, les bouquins sont disponibles en librairie. À vous de jouer.
La création monétaire
Un des thèmes les plus scandaleux du siècle, mais qui reste un mystère aussi bien gardé que le Da Vinci Code : qui crée la monnaie ? On a tous vaguement l’intuition que c’est l’Etat qui frappe la monnaie, et crée l’essentiel du pognon qui circule. On se trompe tous dans les grandes largeurs. 7% de la monnaie est fiduciaire et effectivement émise par la banque centrale.Le reste, 93% est émise par des banques privées, au moment de l’accord de prêt. Si vous n’êtes pas familier avec cette théorie, vous devez la nier en bloc. C’est pourtant une réalité officielle : l’essentiel de l’argent qui circule est de l’argent-dette, créé de toutes pièces (si je puis dire), au moment où les banques privées accordent des prêts. Si, comme moi, vous ne comprenez rien à la finance et à la compta, ça vous indiffère sans doute. Nous avons tort. C’est sans doute un des points clés des dysfonctionnements de nos sociétés, à commencer par cette course effrénée à la croissance (voir plus haut).
Si l’État ne contrôle pas la création de sa propre monnaie, alors, il n’y a pas d’État. Et les institutions démocratiques qui entretiennent l’illusion que nous ne sommes pas en dictature, sont des marionnettes aux mains des puissances privées.
Une petite vidéo pédagogique (avec des bruitages agaçants, désolé) pour vous introduire sur le sujet :
D’autres documents à visionner : L’argent-dette (en faisant abstraction du côté complotiste), The American Dream, La conférence d’Etienne Chouard sur la création monétaire
Le revenu de vie / revenu universel / revenu citoyen
Solution directe au problème posé ci-dessus : et si on faisait le pari de distribuer la monnaie autrement, équitablement entre tous. Les avantages d’un revenu inconditionnel, que chacun de nous toucherait tout au long de sa vie, qui remplacerait toute autre forme d’allocation et qui viendrait en complément du revenu généré par son emploi, sont nombreux et séduisants.Mais, catalogué comme “droit à la paresse”, avec tout ce que ça peut avoir de péjoratif dans le monde du “travailler plus pour gagner plus”, on n’est pas prêt d’en parler sérieusement à la télé. Tourné en ridicule par tous les financiers et les patrons qui n’ont évidemment aucun intérêt à ce que leur pression savamment entretenue sur l’emploi disparaisse, le débat sur le revenu de vie sera remis aux calendes grecques.
Pourtant deux candidats à la présidentielles en parlent d’ores et déjà, et ils sont inattendus : Christine Boutin et Dominique de Villepin l’ont mentionné à plusieurs reprises, prouvant s’il en était besoin l’obsolescence du clivage gauche/droite dans le contexte actuel.
Il est probable que ces deux candidats travestissent l’idée de base pour la vider de toute sa substance. Mais le fait qu’aucun journaliste n’ait eu l’idée d’interroger ces personnes plus profondément sur le sujet en dit long sur le sort qui lui sera réservé pendant la campagne.
Pour en savoir plus sur le sujet, suivez @stanjourdan et @galuel sur twitter. Et lisez la Théorie Relative de la Monnaie de ce dernier.
Le tirage au sort
Puisque le pouvoir est aux mains d’une oligarchie, on peut se poser la question du fonctionnement démocratique dans ce qu’il a de plus essentiel aujourd’hui : l’élection. À la base, l’élection est un mode de sélection des candidats qui n’a rien de démocratique. Seuls les meilleurs (les critères restants à définir) sont sélectionnés. Les assemblées élues n’ont donc rien de représentatives, ni de démocratiques.On s’imagine souvent que le tirage au sort apporterait autant de problèmes que de solutions, mais c’est parce que nous restons dans une vision très simpliste de ce mode de sélection. Comme le dit fort justement Etienne Chouard : “on n’est pas obligé de le faire bêtement”. Et de préciser tous les mécanismes qui permettent d’éviter qu’un crétin, un méchant, un dangereux, soit au pouvoir parce qu’il a été tiré au sort.
On peut d’ailleurs noter que le système du tirage au sort fonctionne pour les jurés. Il n’y a aucune raison que cela ne soit pas aussi efficace pour les institutions.
Pour aller plus loin sur ce sujet qui, c’est absolument certain, ne sera abordé sur aucune radio et aucune télé, c’est encore Etienne Chouard qu’il faudra consulter.
La collusion entre les médias, les politiciens et les industriels
Si l’on ne voit pas tout ça à la télé c’est parce que journalistes, industriels et politiques partagent les mêmes intérêts. Par conséquent, il n’est même pas question de censure, mais plutôt d’auto-censure. Un journaliste, aujourd’hui, n’a aucune espèce d’intérêt à aller enquêter dans les coulisses du pouvoir, à poser des questions qui fâchent ou à déranger les industriels qui le payent indirectement.Le travail de Pierre Carles depuis des années est extrêmement éclairant à ce sujet. En réalisant des documentaires sur la télé, il s’est attiré rapidement les foudres de toutes les chaines qui refusent, du coup, de diffuser ses documentaires pourtant extrêmement intéressants. (À voir absolument dans cet ordre les trois documentaires : Pas vu pas pris, Enfin pris et Fin de concession.)
Dans le même thème, saviez-vous que les industriels, politiques et gens de médias les plus influents se retrouvent chaque dernier mercredi du mois pour un dîner ? Appelé le Diner du Siècle, on imagine qu’il s’y échange des propos assez loin de la réalité du terrain et du quotidien des français.
Martine Aubry, qui fait partie du club, s’en est expliquée sur BFM TV (vous noterez que ce n’est pas le journaliste, mais un internaute qui a posé la question : d’ailleurs, les journalistes comme les politiciens, y compris Mélenchon, ignorent ou feignent d’ignorer l’existence de ces diners).
Bien sûr, le Siècle n’est pas le seul club à réunir le gratin parisien. Alain Minc a récemment donné une petite réception pour la même engeance ou presque, sous les objectifs des caméras de Médiapart. Vous noterez que même des journalistes de Marianne étaient invités. Ce qui me conforte dans l’idée que j’avais développée dans un article précédent.
La déroute du nucléaire
Autre sujet à éviter absolument pour les journalistes : les suites de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Pensez donc : quel que soit le vainqueur de 2012, il sera pro-nucléaire. Inutile donc de porter ce débat à la connaissance des français, il est déjà plié. Les choses empirent doucement au Japon et plus personne n’en parle. Fessenheim, la plus vieille centrale française, située sur une faille tectonique a été reconduite pour dix ans. Tout va pour le mieux.En revanche, vous entendrez parler de :
L’immigration, sous toutes ses formes, fléau de notre société. Les étrangers sont violents, nuls à l’école, pas intégrés, chomeurs. Ils sentent pas bons et violent nos femmes aussi. Mais ça, ce sera pour plus tard dans la campagne.On parlera du chômage aussi, à outrance, pour bien rappeler à tous qu’il faut aimer son emploi et l’exercer jusqu’à la mort du mieux qu’on peut
La crise ne sera abordée que sous son angle le plus dramatique, afin de rappeler que les temps sont durs pour tout le monde et qu’il faut se serrer la ceinture. Pas une fois, la responsabilité des banquiers et des politiciens ne sera mise en cause.
Les grèves, les manifestations de la jeunesse, les indignés seront toujours tournés en ridicule. On mettra un micro sous le nez du premier imbécile qui ne sait pas de quoi il parle pour en faire le porte parole d’une génération de décérébrés qui n’ont décidément rien compris.
La grossesse de Carla continuera la série glamour des mariages princiers qui ont fait l’objet de centaines d’heures de direct inutiles. Les constructeurs automobiles, les vendeurs d’énergie, les fabricants de téléphones portables seront invités régulièrement sur les plateaux pour présenter leurs nouveautés qui vont changer le monde, en plus de nous abreuver de leurs pubs débilisantes.
Toutes les dérives de la société, les suicides, les violences, les actes désespérés seront mises sur le dos d’internet puisque c’est le dernier endroit où l’on peut lire des informations dissonantes. Si l’on peut, on bâillonnera ce média, sinon, on en soulignera le danger pour la société.
Sauf…
Sauf, bien sûr, si l’on se réveille et que, chacun à notre niveau, on fait en sorte que se diffuse l’information et que se tiennent les débats, sans les médias. Mais dans ce cas, il faut se grouiller. Le temps presse !http://owni.fr/2011/07/15/decroissance-nucleaire-medias-les-sujets-tabous-de-la-presidentielle/
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