mercredi 1 février 2012

Cette part d’ombre-là…



Tu la sens bouger, frémir, gémir, tapie au fond, bien au fond, cette part d’ombre-là, cette zone frustre de saloperie ordinaire qui ne demande qu’à jaillir, qu’à courir le long de l’épiderme. Elle est cette mauvaise part de toi, de ton intestinal qui remplace tes neurones à l’heure de l’embouteillage crétin, de la queue-de-poisson, faite d’aigreur et de bile et de connerie primaire, rhabillée à l’envi de bons sens populaire.

Elle s’incarne dans le « sale connard » lâché au con de piéton quand tu conduis à donf, au con d’automobiliste quand t’es bêtement à pinces et elle parle en boucle « au sale connard » de l’autre du sale connard en toi.

Pas besoin de la stimuler cette part d’ombre là, elle suinte déjà, déjà qu’elle affleure, que la pulsion est là, que l’instinct est à vif, qu’il n’est déjà pas simple de la contraindre et de la contenir. Pas besoin de la décomplexer, d’oser la dire tout haut, déjà qu’elle crache son venin, qu’elle se rote et se pète sans même s’émouvoir.

Il fut un temps du moins, on en n’était pas fier, on se la tartinait pas en « brisant les tabous ». Elle nous foutait la honte, on savait plus où la mettre. On la savait sale, moche et malodorante cette ombre chinoise là tellement qu’elle chlinguait fort et, on faisait l’effort de la réprimer encore, de tenir ses sphincters, de se la garder pour soi.

C’est pourtant bien cette part-là, justement celle-là, qu’on cajole qu’on titille, qu’on te matraque à l’émotion, qu’on te flatte en flatulences, qu’on te jardine à coups de déjections. Justement celle-là au fond de la caverne, pas ta part de diamant ou ta portion d’étoile qui scintille quelque part, non cette inculture-là, justement celle-là, qu’on te cultive à mort, dans le pas savoir vivre, le pas vouloir penser, ou le pensé comme un porc et le revendiquer.


Elle est simple à motiver cette part d’ombre là, en deux slogans faciles direct dans les viscères à déchaîner les haines, à attiser les peurs « et qu’on est plus chez nous » « et tous des assistés, des minables, des cloportes » qu’il te faut deux plombes après pour sortir du vomi et nettoyer la merde et pour rentrer alors seulement à la raison.

Oui tu la sens raser les murs, cette éminence grise et grasse, ce sale cardinal noir, ce putain de cafard, grimé en préfet binoclard, ministre d’intérieur, qui n’aura fait qu’obéir aux ordres, en dévoué fonctionnaire, qui n’aura fait que son devoir, en zélé délateur, anonyme et français, exhibant ses records du jeté expulsé.

Cette part d’ombre là, c’est cette vieille tradition de la haine ancestrale, de la morgue de la hargne et de la condescendance, à déchaîner les foules, à exciter les gens, indexée sur le fric seule valeur estimable du pays du mépris, qu’on se passe en relais d’Hortefeux à Besson jusqu’au veuf Guéant, qu’on se badigeonne de mots « immigration choisie » et « quota d’étrangers » aussi cons que méchants pour une France racornie de blond blanc et bleu, miro comme une taupe, aussi rance que rassis.


Ni par vice, ni par perversité, cette sale ombre-là, juste par jeu électoral, juste pour garder au chaud, la place du fils du réfugié hongrois des temps généreux, qui s’expulserait lui-même dans la haine de soi qui n’est jamais qu’un autre, s’il ne s’adulait tant.

tgb

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