vendredi 3 février 2012

«Il n'y a rien de pire que de gâcher une bonne crise»



C'est ce qu'a déclaré le patron d'Airbus, Thomas Enders, au Forum économique mondial de Davos.

Selon les envoyés spéciaux des Echos, malgré l'état actuel du monde, ses 200 millions de chômeurs et ses «troubles sociaux», il y régnait une atmosphère de confiance...

Pour Thomas Enders, président exécutif d'Airbus et membre du groupe Bilderberg, l'Europe ne mène pas assez de réformes, notamment en ce qui concerne le marché du travail. Or c'est le moment ou jamais d'agir : «Il n'y a rien de pire que de gâcher une bonne crise», a-t-il lâché à son auditoire.

Milton Friedman l'aurait approuvé, lui qui avait si bien compris l'utilité des crises pour imposer, de gré ou de force, les potions ultralibérales les plus amères aux populations. «Seule une crise, réelle ou supposée, produit un vrai changement. Lorsqu'elle se produit, les mesures prises dépendent des idées alors en vigueur», disait-il. Et face à cette nouvelle crise dont l'ultralibéralisme est l'unique responsable, la doxa en vigueur consiste à réduire sans relâche le coût du travail (en Grèce, il a déjà baissé en moyenne de 14% depuis deux ans) afin de laminer la protection sociale (chômage, retraite…), flexibiliser l'emploi au maximum (la Cour européenne de justice vient d'autoriser le renouvellement illimité du CDD) et détruire au maximum les garanties offertes par le Code du travail (comme nos "accords-compétitivité-emploi" en préparation). Quitte à nous conduire droit dans le mur.

Thomas Enders, patron licencieur et boursicoteur

Rappelons que ce capitaine d'industrie était fortement impliqué dans l'affaire EADS — où 10.000 emplois ont été sacrifiés grâce à l'incompétence de leurs dirigeants — et le scandaleux délit d'initié qui en a jailli (Noël Forgeard, ancien co-président d'EADS, Thomas Enders, ex-coprésident exécutif d'EADS, Gustav Humbert, ex-président d'Airbus, Jean-Paul Gut, ex-directeur commercial d'EADS, Hans-Peter Ring, directeur financier d'EADS, François Auque, PDG d'EADS Space… ont notamment été soupçonnés d'avoir vendu massivement, de fin 2005 à début 2006, des actions du groupe avant que leur cours ne s'écroule en juin 2006). Il s'était alors plaint d'avoir été «traité comme un criminel» et «stigmatisé»… le pauvre !

Mine de rien, selon le rapport de l'Autorité des marchés financiers, Thomas Enders avait bel et bien vendu 50.000 actions en novembre 2005 qui lui ont rapporté environ 711.000 euros. Pourtant, il n'avait pas de problème de salaire : en 2006, sa rémunération brute totale dépassait 1,7 million d'euros. Alors que Noël Forgeard ou le directeur commercial d'Airbus, l'Américain John Leahy, ont été mis en examen, notre «Major Tom», ancien officier parachutiste, s'en est bien tiré, l'AMF l'ayant simplement placé sous statut de témoin assisté.

L'affaire oubliée, on voit que l'homme a repris du poil de la bête. Cet «Allemand à la poigne de fer» va succéder à Louis Gallois au poste de président exécutif du groupe tandis qu'un certain Jean-Claude Trichet, 68 ans et toujours pas à la retraite, fait son entrée au conseil d'EADS en tant qu'administrateur de la maison mère d'Airbus : un job lucratif et pas trop fatiguant. La nomination de l'ex gouverneur de la BCE, paléo-libéral obsédé par l'inflation, est un «élément-clé de la relation franco-allemande», nous dit-on. Entre «maîtres du monde» et champions du cynisme, on se comprend.

SH

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