lundi 20 février 2012

Et si monsieur Guéant n’était pas que raciste ?



En écoutant les paroles du ministre de l’intérieur j’ai tout d’abord été, comme (presque) tout le monde, scandalisé par de tels propos. Pas tant par le fait qu’il ait ce genre d’idées non, ça chacun s’en doutait, mais plutôt par celui qu’il ose les exprimer si ouvertement. Cela dit quelque chose d’important sur notre époque, et si j’osais sur notre « civilisation ».

Car derrière ces considérations politiciennes se cache un problème plus grave, que j’ai déjà évoqué ailleurs : celui de la décadence de cette civilisation. Car si effectivement peut-être toutes les civilisations ne se valent-elles pas, peut-être aussi les « meilleures » ne sont pas celles que l’on croit. Si on se penche un peu sur l’histoire de la « civilisation occidentale », (il faut l’envisager comme l’entend monsieur Guéant), on s’aperçoit aisément qu’elle s’est largement construite sur des « valeurs » (cette notion chère à notre président qui les énonce bien à propos quelques jours après cette polémique et quelques jours avant sa déclaration de candidature) différentes des autres civilisations, à savoir l’impérialisme et ces fameuses racines « judéo-chrétiennes ». Ces « valeurs » sont en quelque sorte le socle d’une idéologie supérieure qui justifie ses actions de cette manière, afin qu’on ne se doute pas que ce qui se cache derrière est en réalité l’individualisme et le profit, c’est-à-dire le capitalisme.

C’est en effet très tôt dans l’Histoire que l’argent a commencé à pervertir les régimes occidentaux, à travers une cupidité qui a conduit à tous les massacres, toutes les guerres, tous les mensonges possibles. Pour ne pas avouer que ce qui anime depuis toujours nos gouvernants est l’argent, ces derniers ont préféré s’inventer une « mission civilisatrice » qui les conduisait d’une part à devoir considérer les autres civilisations comme inférieures, et qui leur permettait d’une autre de les coloniser « au nom de Dieu », plutôt que d’assumer leur simple volonté de profit. L’esclavagisme, la colonisation, toute la prospérité, toute la puissance, toutes les améliorations en termes de niveau de vie, de santé, d’éducation, de technologie, de confort, tout ce qui fait la prétendue supériorité de notre civilisation s’est en réalité construit sur le dos des « civilisations » les plus faibles ou les moins belliqueuses sous prétexte de cette « mission civilisatrice » qui a aboutit d’un côté au Nazisme, et de l’autre au Stalinisme…

Mais en réalité nos gouvernants, comme sans doute monsieur Guéant lui-même, ne croient guère en leurs propres théories : les noirs ne leur font pas plus peur que les musulmans, et l’idéologie dont ils usent pour justifier leurs politiques injustes n’est destinée qu’à la propagande qu’ils servent au peuple conditionné par des siècles d’exploitation. Car aujourd’hui comme hier, lorsqu’il s’agit de faire du profit sur le dos d’autres « civilisations » (même « inférieures ») la couleur de leur peau ou leur religion importe peu. Lorsqu’il s’agit de se battre le lendemain avec l’ami d’hier, lorsqu’il s’agissait hier de faire venir de la main d’oeuvre étrangère pour reconstruire la France ou de faire produire aujourd’hui à l’étranger nos voitures low cost, les « valeurs » de notre civilisation fluctuent au gré du profit qu’on compte tirer de l’exploitation des autres. Quand il s’agissait hier d’envoyer les tirailleurs sénégalais se battre pour nous, de vendre des armes à la Libye ou d’accepter le pétrole iranien (pour peu qu’il ne soit pas trop cher), d’investir en Chine pour profiter des tarifs d’une main d’oeuvre corvéable à merci, alors toutes les différences de civilisations ne comptent plus. Seul le profit compte, ce qui s’explique aisément quand monsieur Sarkozy signe des contrats en Chine et qu’il oublie de parler du respect des droits de l’homme, des « valeurs » de notre si belle civilisation. Quand l’usine Renault s’installe au Maroc, ses dirigeants disent qu’elle aide au développement des pays émergents, mais oublie de dire qu’elle s’installe sur une zone franchisée …

Le profit, et le culte du profit. Voilà sur quoi se fonde la prétendue supériorité de notre civilisation. Le mensonge et la violence sont les deux moyens qu’a toujours utilisé notre civilisation pour maintenir son hégémonie sur les autres, sans aucune considération envers celles que nous avons empêché de développer leurs propres valeurs, imposant de force à ceux qui résistent notre conception de la civilisation. Nous avons tout saccagé, tout volé, tout détruit. Et maintenant que ceux qui ont mis tant de temps à se défaire de notre oppression sont en passe de profiter enfin des bienfaits du système capitaliste, alors les les profiteurs du système nous ressortent le vieux discours sur la valeur des civilisations, pour justifier demain les maux qu’ils s’apprêtent à faire subir encore une fois aux plus fragiles…

Et cela, monsieur Guéant le sait mieux que tous. Il n’est sans doute ni si raciste ni si « islamophobe » qu’il voudrait bien lui-même nous le faire croire, mais il est fin propagandiste, et prépare aujourd’hui le terrain idéologique sur lequel se développera la campagne de Nicolas Sarkozy, qui sert mieux que personne les intérêts de la « caste » qui veut conserver, de force s’il le faut, la position dominante qu’il occupe injustement. Toujours les mêmes causes, le profit et l’individualisme, et toujours les mêmes effets, la misère et l’oppression des plus faibles : le racisme n’est que la construction idéologique qui permet aux puissants de conduire le peuple à la haine et au mépris des autres, et de se servir de cette diversion pour cacher leurs véritables intentions, la confiscation du pouvoir pour eux-mêmes.

Caleb Irri

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