dimanche 12 février 2012

L'étudiant Guéant avait un maître



Une brève du Monde a hier confirmé que "le philosophe" Yves Roucaute était bien l'auteur du discours dans lequel monsieur Claude Guéant tenait "des propos de bon sens et d'évidence" sur la valeur des "civilisations". Révélation en avait été faite, en toute discrétion, par un billet de blogue consacré par monsieur Ivan Rioufol, du Figaro, à "l'utile critique de Claude Guéant contre le multiculturalisme", et par unsemblant d'exclusivité sur Europe 1.

Vu le contexte, on ne dira pas que monsieur Guéant a utilisé les services d'un nègre mais d'une plume magistrale et doublement doctorale...

La notoriété assez confidentielle de monsieur Yves Roucaute ne saurait masquer l'éclat de son parcours. On peut relever, de sa notice ouiquipédia, qu'il est "agrégé de philosophie (1981) et de sciences politiques (1987), docteur d’État en science politique et docteur en philosophie" et qu'il "possède des diplômes de licence en histoire, lettres, et arts, logique mathématique". Ce n'est pas précisé, mais il a peut-être également réussi, avec les félicitations du jury, l'examen du permis de conduire...

Il se dit que les années de formation de ce brillant universitaire attrape-tout ont été marquées par un fort engagement aux côtés de l'Union des étudiants communistes. C'est, compte tenu de son âge - il est né en 1953 -, un indice très sûr d'un manque de discernement politique précoce. Au terme d'une "transition" qui, selon sa fiche ouiqui, "se situe entre 1979 et son dernier ouvrage de jeunesse", il est devenu un authentique néo-conservateur pour les uns, ou un vrai néo-con pour les autres.

Ouvrage marquant la triste fin d'une belle jeunesse...
(D. Jeanbar et Yves Roucaute, Éloge de la trahison, Seuil, 1986.)

Notre penseur est l'auteur de quelques livres fondamentaux, qui devraient marquer l'histoire des idées.

En 2005, les Presses universitaires de France ont accueilli dans leurs collections les 150 pages de Le néoconservatisme est un humanisme, où l'auteur "défend le néoconservatisme contre un certain nombre de reproches qui lui ont été adressés".

Ce livre est celui des valeurs retrouvées contre le relativisme de la gauche intellectuelle et de la droite archaïque. Le néo-conservatisme est né en proclamant «plus jamais Auschwitz» : il a détruit l'URSS du goulag et ne détermine pas sans raisons la politique des États-Unis face au nouveau défi barbare et aux tyrans. Contre le relativisme, donc, et au nom de l'humanité de l'homme, le néo-conservatisme exige le respect des droits naturels inaliénables. Contre le laxisme, il affirme une philosophie des devoirs: respecter les anciens, défendre la grande culture, obéir au droit, punir avec sévérité, instruire des mœurs policées.

Nous dit la quatrième de couverture, avant de conclure :

L'auteur place le néo-conservatisme sous le principe espérance : une philosophie de la recherche du bonheur, appelée «singularisme», qui exige la construction des «Cités de la compassion», pour répondre à la souffrance et vivre dans le respect du «Vieil Homme» ; qui exige aussi une nouvelle conception de la prudence et de la guerre juste, dont la finalité est la liberté et le traité de paix universelle.
Pour comprendre un peu ce qui inspire tout ce charabia conclusif, il faut peut-être s'intéresser - mais de loin ! - au dernier ouvrage de monsieur Yves Roucaute, paru chez l'éditeur François-Xavier de Guibert, titré La puissance d'humanité, et sous-titré Du néolithique aux temps contemporains : le génie du christianisme.

La présentation se veut éloquente et convaincante :

Yves Roucaute, qui n’est pas catholique, va à contre courant de l’opinion dominante. Oui le catholicisme est une chance pour l’humanité, il est la puissance qui nous travaille depuis deux milles ans. Car tel est son génie : susciter une humanité nouvelle aspirant à voir naître une civilisation du respect et de l’amour.

«… Qu’y puis-je si, à chaque découverte de l’intelligence, cette Église apparaît plus admirable encore ? Faudrait-il avoir honte d’une spiritualité qui célèbre sans laxisme depuis des siècles la puissance d’Aimer, au nom de la puissance d’humanité ? La mode n’est pas de mon côté, le politiquement correct moins encore, seulement la recherche de la vérité. »

Ce livre raconte cette recherche. Du néolithique à nos jours, l’auteur zoome sur des épisodes noirs de l’Église (Inquisition, Galilée, la connaissance scientifique…), et s’efforce de rétablir des vérités mises à mal par nos mentalités modernes, jusqu’à s’interroger sur cette modernité même… Un ouvrage qui vient déranger un bon no
mbre de préjugés, et nous invite à réfléchir sur notre destin individuel et collectif.

D'ailleurs, je suis convaincu : ne serait-ce que pour découvrir le "zoom" sur les "épisodes noirs de l’Église" au néolithique, j'ai bien envie de lire ce livre...

En attendant de pouvoir lire la note critique que je ne manquerai pas de consacrer à cette intéressante étude, vous pourrez vous reporter à l’enthousiaste recension qui en a été faite sur le blog de La Droite Libre - où vous pourrez aussi vous inscrire à un "grand dîner-débat avec Claude Guéant", programmé le 5 mars.

Monsieur Roucaute sera peut-être présent, avec sa plume.

Et sa célèbre cravate photoshopée.
(A gauche sur Liberpédia, à droite sur Wikipedia.)

Quand il ne crayonne pas des discours pour monsieur Claude Guéant, notre philosophe est professeur de science politique à l'Université de Nanterre.

Un articulet de Joseph Confavreux, dans Mediapart, nous apprend qu'il est aussi "membre nommé (du collège A) au CNU-04, la section de science politique".

C'est un peu technique, mais le journaliste, très pédagogue, rappelle que :

Le Conseil national des universités (CNU) est l'instance nationale qui se prononce sur les mesures relatives à la qualification, au recrutement et à la carrière des enseignants-chercheurs (professeurs et maîtres de conférences) de l'Université française. Il est composé de groupes, eux-mêmes divisés en sections ; chaque section correspond à une discipline.
Il signale surtout que monsieur Roucaute vient tout juste de poser sa démission du CNU-04, "quelques jours avant la remise des 28 dossiers qu'il devait étudier, et qui sont donc revenus à ses collègues".
La raison de cette démission est sans doute que notre philosophe à tout faire "est pressenti pour siéger à la future section de “criminologie” du CNU, qui n'existe pas actuellement". L'auteur de l'article ajoute que "le principe et les conditions de mise en place" de cette section "sont très fortement contestés au sein de l'Université française, comme l'atteste la déclaration émise par la CPCNU, la commission permanente du CNU", et il indique un lien vers un pdf où tout cela est davantage détaillé..

Car le maître à penser les civilisations de notre ministre de l'Intérieur est aussi criminologue, voyez-vous.

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