lundi 6 février 2012

A l'UNI : «La xénophobie, ça remotive»



«Toutes les civilisations ne se valent pas.» Claude Guéant, ministre de l'intérieur, a prononcé ces mots samedi 4 février, devant 300 jeunes de l'UNI (union nationale intersyndicale), réunis à huis clos à l'Assemblée nationale.

Chaque année, cette association étudiante très à droite (sorte d'équivalent universitaire de la Droite populaire), organise une «convergence annuelle». Le thème de l'édition 2012 était très clair : «Vaincre pour la France». Normalement, aucun journaliste n'est admis à cet événement et il est demandé à chacun de ne pas raconter le contenu de ces réunions. Cette année pourtant, les propos de Claude Guéant ont été rendus publics sur le site Fréquence ESJ, de l'école de journalisme supérieure de Paris.

L'auteur de l'article est Tristan Maupoil, ancien militant UMP copéiste, aujourd'hui étudiant en journalisme. Ancien membre de l'UNI, il fut président du syndicat lycéen RNL, et a lui-même été accusé de racisme en janvier 2011 par les socialistes à la suite deses propos sur les Maliens et le logement. A l'automne 2011, il a mis fin à tous ses engagements politiques, mais il a conservé quelques contacts à l'UNI. «Je connais ces "convergences annuelles", je savais que Claude Guéant venait, donc j'ai appelé plusieurs personnes fiables de l'UNI pour me faire raconter les phrases prononcées samedi», explique-t-il à Mediapart.

Un discours confirmé par l'AFP et dans lequel le ministre de l'intérieur appelle à «protéger notre civilisation». Tout en s'en prenant à la gauche : «Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas.» «Celles qui défendent l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient», argumente-t-il, ajoutant : «celles qui défendent la liberté, l'égalité et la fraternité, nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique».

Le député sarkozyste Eric Raoult (Seine-Saint Denis) et le député de la Droite populaire Jacques Myard (Yvelines) étaient également présents à ce rassemblement. «Ce que j'ai appris à l'UNI, c'est quand on se fait casser une dent, on répond en cassant la gueule», a lancé le premier à la tribune. Jacque Myard a quant à lui dégainé un communiqué pour soutenir Guéant, dimanche : «En quoi est-il scandaleux de dire qu'une culture, une civilisation qui maintient les femmes dans un statut d'infériorité et va jusqu'à lapider la femme adultère est à nos yeux comme ayant de sérieux progrès à faire pour atteindre notre niveau d'égalité des droits entre les sexes et est jusqu'à nouvel ordre, et à ce titre, inférieure à notre culture ?!»

Les coulisses de ces «convergences annuelles» de l'UNI permettent d'expliquer l'état d'esprit actuel de l'UMP. Contacté par Mediapart, un ancien membre de cette organisation, qui l'a quittée car il ne «(se) sent(ait) plus en phase», raconte : «On demande aux participants de ne pas rapporter les propos, ce n'est pas censé sortir, donc les militants se lâchent. Ils veulent être rassasiés. La grande mode, c'est d'inviter Charles Pasqua à la fin. Le principe est toujours le même, il tient un discours très à droite, les militants applaudissent, ils ressortent remotivés. Polémiquer, c'est la tradition.»
Il poursuit : «L'UNI, ce sont des acharnés, des militants qui sont sur le terrain avec n'importe quel temps. Dire des propos xénophobes, ça remotive les troupes. Le soir, ils réservent un restaurant, il y a du vin rouge, ils chantent des chansons limites racistes, c'est la campagne profonde. C'est ça le contexte de ce genre de réunions.»

Pour cet ancien membre, le fait que «l'UMP soit en difficulté» actuellement explique cette radicalisation. Remotivés, ces militants rentrent «revigorés» sur le terrain et s'en vont convaincre les électeurs avec un discours de plus en plus à droite. La stratégie de Nicolas Sarkozy est limpide : remobiliser la frange droitière de son électorat, et chasser sur les terres du Front national (lire notre articlesur la stigmatisation des «étrangers» sur le site de l'UMP, vendredi). Dans cette stratégie, l'UNI s'avère très utile pour l'UMP, comme l'expliquent deux journalistes du Monde sur leur blog «Droites extrêmes». Elle permet de concurrencer l'extrême droite sur ses thèmes (exemple fin 2011 autour du droit de vote des étrangers).

Les propos de Claude Guéant ont déclenché de nombreusesréactions d'indignation, notamment à gauche. L'UNI a répliqué en accusant sur son site le PS d'«alimenter une polémique odieuse».«Cette phrase a été prononcée à l'occasion d'un discours absolument républicain dont tout l'enjeu était de condamner les civilisations qui ne respectent pas la liberté de conscience, la liberté d'expression et l'égalité entre les hommes et les femmes», a justifié l'entourage du ministre, samedi soir. Claude Guéant, lui, «ne regrette pas». Sur RTL, dimanche matin, il a même persisté et signé (voir la vidéo).

En septembre 2001, Silvio Berlusconi avait déclenché une polémique mondiale avec des propos similaires : «On ne peut pas mettre sur le même plan toutes les civilisations. Il faut être conscients de notre suprématie, de la supériorité de la civilisation occidentale (qui a garanti) le respect des droits humains, religieux et politiques, qui n'existent pas dans les pays islamiques. L'Occident continuera à occidentaliser et à s'imposer aux peuples. Cela a déjà réussi avec le monde communiste et avec une partie du monde islamique.» Face aux indignations, l'ancien dirigeant italien s'était déclaré «désolé» et avait évoqué des propos «sortis de leur contexte» et «mal interprétés».


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