Alors que le fournisseur d’accès à internet Free s’apprête à lancer son offre de téléphonie mobile avec accès web, il est déjà possible de surfer à prix réduit. Certaines des régies locales d’électricité, auxquelles font appel 5 % des communes françaises, offrent des prestations équivalentes aux « box » des entreprises privées.
L’affaire a fait grand bruit : la mairie communiste de Montataire (Oise) a décidé en mai dernier d’offrir, via sa régie municipale d’électricité, un accès internet à ses administrés. Selon la formule choisie (avec ou sans la télévision, téléphone fixe illimité...), les offres sont entre 5 et 15 euros inférieures à celles proposées par les acteurs du secteur privé. Une décision politique bien sûr, mais qui n’engage pas pour autant la mairie dans un service déficitaire. « Nos prix ont été décidés grâce aux travaux d’un bureau d’étude, explique ainsi Alexandre Dunoyer, directeur de la régie municipale. On a pris les tarifs les plus bas possibles, parce qu’il faut offrir le service au plus grand nombre d’abonnés possibles, mais tout en restant rentables ». Profitable et sensiblement moins cher que la concurrence : si la recette semble aussi simple, c’est qu’un élément technique change la donne. Montataire, comme les autres municipalités proposant internet par le biais d’une régie, est une collectivité câblée.
Le câble, élément déterminant
A Elbeuf (Seine-Maritime), une autre commune proposant un internet « public », c’est le choix d’installer le câble pour recevoir la télévision qui a été décisif : « Les antennes hertziennes passent mal ici. Et quand en 1993 nous avons décidé de faire les travaux pour fournir le câble aux habitants, on avait déjà en tête l’idée de proposer un jour un accès à internet », résume Bruno Gimbert, directeur de la régie de la ville. C’est donc l’isolement de la commune - ou la topographie du terrain - qui a généralement mené à la décision de relier une ville à un réseau de fibre optique. À Montataire aussi, doter les habitants du câble était une promesse électorale.
Le début des années 1990 a inauguré, pour beaucoup de mairies, une véritable « fièvre du câble ». Poussées par un effet d’aubaine, de nombreuses sociétés privées se sont elles aussi lancées dans la construction de ces grands réseaux de fibres optiques... Avant de mettre la clef sous la porte, faute de clients. Abonnement trop coûteux, frais de raccordement au réseau souvent très élevés, service défaillant... la mauvaise réputation du câble, couplée à l’arrivée des offres ADSL haut débit, scellera le sort de la plupart des opérateurs privés. Mais les municipalités, concentrées sur un petit nombre d’abonnés, ont pu souvent mieux gérer l’investissement représenté par les travaux de raccordement entre le réseau câblé et les particuliers. La relation client a fait le reste : « Pour les habitants, assure Bertrand Dunoyer, disposer d’un vrai service de proximité plutôt que d’une hotline, c’est déterminant ».
Un choix politique de service public
Grâce à ces atouts, les services de la mairie peuvent proposer un abonnement à internet compétitif, voire des offres « triple play » (internet, télévision, téléphone). Mais les municipalités proposant ce service se comptent sur les doigts de la main. Montataire, Elbeuf, mais aussi Colmar (Haut-Rhin), Creutzwald (Moselle)... Ce choix de proposer internet comme un service public ne s’impose pas, et reste souvent guidé par une « tradition » politique.
En Alsace et en Moselle, qui concentrent l’écrasante majorité des offres internet de service public, le nombre de services gérés par les régies (eau, électricité, transports...) a toujours été sensiblement plus élevé qu’ailleurs. A Elbeuf aussi, l’histoire sociale de la ville a joué un grand rôle : « Nous venons de fêter le centenaire de la régie, et il faut s’imaginer qu’Elbeuf était une ville ouvrière très à la pointe des services publics, avec un service de pompes funèbres, de ramassage des ordures », explique le directeur de la régie de la ville. En conséquence, la notion de service va plus loin que dans les municipalités voisines. De tout l’Ouest, Elbeuf est d’ailleurs la seule ville à proposer internet à ses administrés.
En Alsace, la notion de service public n’exclut pas l’appétit de croissance. L’ancienne « Colmarienne des eaux », rebaptisée Vialis à la fin des années 1990, y est devenue l’acteur quasi unique du secteur public de la distribution d’électricité et de télécommunication. En 1994, le rachat du réseau câblé à la société Eurocable, alors en faillite, a permis à cette régie de proposer un accès à internet dès 1996. Devenu une société d’économie mixte avec un chiffre d’affaires annuel de 82 millions d’euros, l’opérateur pourrait bien préfigurer l’évolution des régies municipales d’énergie, d’après Bruno Gimbert, à Elbeuf : « Avec la fin du prix garanti de l’énergie à l’horizon 2020, il sera impossible pour des petites structures de se fournir à des prix corrects ». Et d’assurer leur vocation première de fournisseur d’électricité, mais aussi d’accès à internet. Pour les petites régies de Montataire et Elbeuf, un sacré casse-tête en perspective.
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