Après que des hélicoptères de l’alliance eurent fait feu sur un de ses postes frontière, tuant vingt-six soldats, le Pakistan a décidé samedi de bloquer l’approvisionnement de l’OTAN en Afghanistan et de reconsidérer ses relations avec l’organisation et les Etats-Unis.
Le Pakistan a décidé samedi de reconsidérer tous ses accords avec Washington et l’OTAN, notamment dans les domaines diplomatique, militaire et du renseignement, à la suite de la pire bavure des Occidentaux au Pakistan en dix ans, qui a provoqué la mort de 26 militaires.
A l’issue d’une réunion extraordinaire de ses principaux responsables, le gouvernement pakistanais a par ailleurs ordonné aux Américains de se retirer dans les 15 jours de la base aérienne de Shamsi, située dans le sud-ouest du Pakistan, et a fermé toutes les voies d’approvisionnement de l’OTAN en Afghanistan.
26 soldats tués
Dans la soirée, un porte-parole de la force de l’OTAN en Afghanistan (ISAF), le général allemand Carsten Jacobson a admis que des appareils de l’OTAN avaient « très probablement causé les pertes » pakistanaises.
Le gouvernement pakistanais a ordonné en représailles le blocage des convois de ravitaillement de la force de l’OTAN en Afghanistan (ISAF) transitant sur son territoire, en avertissant que cet incident « pourrait avoir de graves conséquences sur la coopération entre le Pakistan et l’OTAN« .
Islamabad a jugé « inacceptable » cette attaque menée avant l’aube dans une des zones tribales bordant l’Afghanistan, principale base arrière des rebelles talibans et d’Al-Qaïda qui attaquent régulièrement l’OTAN sur le sol afghan.
Selon le général Jacobson, des forces afghanes et de l’OTAN qui opéraient dans la province afghane de Kunar ont réclamé un soutien aérien.
« Il est très probable que ce soutien aérien (…) ait causé les pertes » pakistanaises, a-t-il expliqué, ajoutant que les troupes au sol se trouvaient alors à proximité de la frontière pakistanaise.
Atteinte à la souveraineté
Dénonçant « une grave infraction à la souveraineté du Pakistan et une violation des lois internationales« , le Premier ministre Yousuf Raza Gilani a protesté « dans les termes les plus vifs » auprès de l’OTAN et des Etats-Unis, qui dirigent l’ISAF et lui fournissent les deux tiers de ses troupes.
Yousuf Raza Gilani a interrompu son week-end pour regagner Islamabad et s’y entretenir avec le président Asif Ali Zardari et les dirigeants de la très puissante armée, qui a dénoncé une attaque « délibérée » et « inacceptable« .
Le ministre de l’Information Firdous Ashiq Awan a de son côté estimé que cette attaque allait renforcer le sentiment anti-américain au Pakistan.
L’ambassadeur des Etats-Unis au Pakistan Cameron Munter a regretté la mort probable de soldats pakistanais et assuré que son pays travaillerait « étroitement avec Islamabad pour enquêter sur cet incident« .
Violation de l’espace aérien
« Ils ont tué 26 soldats et en ont blessé 14« , a déclaré à Masood Kausar, le gouverneur de Khyber Pakhtunkhwa, province du Nord-Ouest du Pakistan, en rendant hommage à ces « martyrs« .
Quelques heures plus tard, le Pakistan a ordonné le blocage à la frontière afghano-pakistanaise des camions de ravitaillement de l’ISAF. Une grande majorité de cet approvisionnement arrive par bateau au Pakistan à Karachi (sud), le principal port du pays, avant d’être acheminé en Afghanistan par la route.
Le Pakistan a plusieurs fois dénoncé ces dernières années des violations de son espace aérien par l’ISAF. La dernière crise remonte à septembre 2010. Islamabad avait alors accusé la force d’avoir tué trois soldats pakistanais et avait bloqué des camions de ravitaillement de l’OTAN pendant près de deux semaines, jusqu’à ce que Washington présente des excuses.
Tensions avec les Etats-Unis
Les Etats-Unis bombardent régulièrement les talibans et Al-Qaïda dans les zones tribales par des tirs de drones, qu’Islamabad ne dénonce que du bout des lèvres tant qu’ils ne tuent pas un grand nombre de civils.
Les Américains accusent régulièrement leur allié pakistanais de jouer un double jeu et de soutenir clandestinement les rebelles talibans pour défendre ses intérêts stratégiques en Afghanistan, où l’OTAN prévoit de retirer l’ensemble de ses troupes de combats d’ici à la fin 2014.
Les relations déjà houleuses entre les deux pays se sont envenimées après le raid unilatéral américain au cours duquel a été tué le chef d’Al-Qaïda Oussama Ben Laden en mai dernier à Abbottabad, une ville de garnison du Nord du Pakistan.
Cette semaine, l’ambassadeur du Pakistan aux Etats-Unis, Husain Haqqani, a été contraint à la démission après avoir été accusé d’avoir transmis peu après aux Américains un mémorandum leur demandant d’empêcher l’armée de prendre le pouvoir au cas où celle-ci aurait été tentée de le faire après ce raid.
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