A cinq mois de la présidentielle et au moment où Marine Le Pen reprend l’offensive, le député UMP des Alpes-Maritimes, représentant de la Droite populaire, se fait plus que jamais l’avocat de Nicolas Sarkozy pour retenir l’électorat de la majorité, tenté par le FN.
Virée de la semaine, un reportage sur Lionnel Luca de la Droite populaire, dans les Alpes-Maritimes, terre politique qui accueille aussi Christian Estrosi, Eric Ciotti. Du beau linge. De Luca, on a l'habitude de dire qu'il a le verbe haut, aime les bons mots, apprécie l'action de Claude Guéant, n'est pas considéré comme un mou en politique : il est pour le retour de la loi Pasqua de 1993 sur l'acquisition de la nationalité - tout enfant né en France de parents étrangers devra en faire la demande à sa majorité. Il est pour la peine de mort, la suppression de l'Aide médicale de l'Etat (AME) aux étrangers en situation irrégulière. On se dit qu'on n'est pas loin des propos de Marine Le Pen qui, lors de la présentation de son projet présidentiel, le 19 novembre à Paris, rappelait le sacrosaint couplet du FN sur l'immigration :
"Le principe de priorité aux Français", notamment "dans l'attribution des aides sociales".
Bien entendu, Luca est désormais connu pour son dernier fait d'actu : une proposition de diminution de 10 % des indemnités parlementaires. "Bien sûr que c'est démago, lance-t-il, ça ne change rien, mais il faut donner l'exemple." Voilà pour la "petite fiche". Lui sait qu'on est journaliste et en plus aux Inrocks : double cata ! De surcroît, on est venu de Paris ! On pouvait s'attendre à un combat de boxe, il n'aura pas lieu, l'intéressé se décrispant progressivement. Mais Lionnel, pourquoi tant de "n" ? "Vous voyez, vous n'acceptez pas la différence !"
Rendez-vous est pris à sa permanence de Cagnes-sur-Mer vendredi 18 novembre. La petite maison, sans prétention, est juchée au premier étage au-dessus d'un magasin SFR, à côté du fleuriste et du poissonnier Jean-Louis, "pêche locale et crustacés". Un palmier dans la cour nous confirme qu'on est bien dans le Sud. A trois endroits sur la façade de la permanence on peut lire "Lionnel Luca, député de la nation". OK, c'est bien là.
Ponctuel, Luca nous reçoit dans son bureau. Mélange de musée d'histoire avec photos de De Gaulle, drapeaux français et roumain - "le drapeau authentique de 1989 à Timisoara" -, que Lionnel Luca a consciencieusement découpé pour enlever l'emblème communiste qu'il exècre, lui "fils d'un Roumain qui a dû fuir la Roumanie communiste", n'a-t-il de cesse de raconter. Mélange encore d'oeuvres plus ou moins réussies avec notamment un buste métallique dans lequel est incrusté un petit portrait de Bonaparte. Le tout sur fond de rideaux qui symbolisent la nation : bleu derrière le député, rouge pour l'autre fenêtre. Et les murs pour le blanc, même s'ils ont un peu jauni.
Dernière breloque qui détonne un peu plus encore dans cette exposition permanente : le Prix de l'humour politique, remis chaque année par des journalistes, mention "encouragement", reçu par le député en 2010, et bien verrouillé dans une étagère. Faudrait pas qu'on lui pique non plus : "Il n'y a pas besoin d'être de droite ou de gauche pour dire des conneries", bon mot du député rappelé sur le diplôme.
Troisième ligne aile au rugby, "le type qui se trouve là où il y a toujours le ballon", ce fils d'une Normande embraie sur "le milieu parisien politicomédiatique" : "Pour lui, nous, les députés, on est des ploucs car on est du peuple, on est comme le peuple. Mais moi, les comptes, je les rends au peuple. Il n'y a que lui qui me fera fermer ma gueule ! C'est ni le parti ni le gouvernement. En étant député, on a une plus grande capacité de nuisance qu'en étant ministre, surtout quand on voit ce qu'ils pèsent aujourd'hui !"Lionnel Luca est dans la réalité ce qu'il est à l'écran ou dans la salle des Quatre-Colonnes à l'Assemblée, ce petit lieu où les élus répondent aux questions des journalistes. En somme, il cogne devant son électorat et il ferraille à Paris.
En plus d'être député UMP, dit-il, il rappelle qu'il est l'un des fondateurs de la Droite populaire, qui regroupe une quarantaine d'élus. "A Paris, je suis vu comme le chef facho de la tribu des beaufs." Mais, en riant, il lance qu'" être pris pour un imbécile par un idiot, c'est un grand bonheur ! Les complexes de supériorité de l'intelligentsia parisienne m'importent peu." Pourtant, qu'est-ce qu'il en parle ! Et comme pour chercher cette reconnaissance qu'il dit fuir et ne cesse de réclamer, il poursuit sa démonstration :
"Quand je dis que je suis pour la peine de mort, je ne vous demande pas de faire une syncope. Sinon, il faut aussi tomber dans les pommes quand on tue une victime. Donc pourquoi mon point de vue aurait moins d'intérêt que le vôtre ? Pourquoi cette condescendance à mon égard ? Je suis un peu fatigué d'être mis à l'index par les donneurs de leçons."
Et si Lionnel Luca n'a pas pu se rendre au dîner organisé la semaine dernière par Claude Guéant avec les élus de la Droite populaire, il souligne les qualités du ministre. "On se porte beaucoup mieux depuis qu'il est aux manettes." Luca poursuit sur l'évolution de la France : "Par exemple, on a le droit d'être musulman sans être obligé d'être arriéré musulman, ce qui est le cas quand on adopte la charia."
Et de conclure : "On est des écorchés vifs du drapeau, nous la Droite populaire. Mais on ne veut pas laisser les thèmes de la nation, du drapeau à Marine Le Pen. Avec le FN, on est la digue, pas la passerelle. Je n'ai pas envie d'être à l'extrême droite. C'est toujours mieux d'être un dur chez les mous qu'un mou chez les durs !" Tout est dit.
"Nicolas Sarkozy nous écoute, insiste le député. On lui dit ce qui ne va pas. Je le sens très proche des réalités." Mais "on n'est en rien des poissons-pilotes télécommandés par l'Elysée". En somme, lui qui dit avoir de l'énergie à revendre "distille ses idées comme un poison(sic) qui ensuite sont reprises dans (son) parti".
Ses combats du moment : la baisse des indemnités parlementaires de 10 %, qu'il compte bien proposer à nouveau lors de l'examen de la loi organique sur les comptes de campagne et qu'il dit vouloir s'appliquer à lui-même en attendant, mais également l'augmentation de la TVA en contrepartie de la baisse des charges sociales pour les entreprises, ou une deuxième journée de solidarité après celle instaurée par Jean-Pierre Raffarin, "pour rapporter 2 milliards d'euros. C'est facile, ce serait pris sur les RTT. Mais dans ce pays de la fatigue"...
Au cours des réunions que ce marathonien organise, comme à Cagnes-sur-Mer, ce vendredi soir devant une trentaine de militants UMP actifs qui repartent tous avec un lot de tracts à distribuer ; puis le lendemain matin, lors d'une réunion publique autour de 150 sympathisants, pas forcément encartés, à Villeneuve-Loubet, Lionnel Luca est aussi là pour déminer ce qui ne passe pas dans l'électorat. Gros hic : les quatre jours de carence pour les salariés du privé lors d'un arrêt maladie quand les fonctionnaires n'en ont qu'un.
"Réfléchissez un peu, lance l'élu à une militante UMP. Au premier abord, on se dit quatre jours pour le privé contre un seul pour la fonction publique. Mais je vous donne un éclairage différent parce que je sais comment ça va se passer. Désormais, le premier pas a été franchi et demain l'écart se resserrera progressivement avec le privé. Cette réforme a été intelligemment menée car pour la première fois dans l'histoire de la République, la fonction publique est concernée par un jour de carence. Vous devriez vous réjouir !"
Bien mis, costard, chemise rose, cravate violette, chevalière en or, Lionnel Luca parle deux heures debout dans la salle, un micro à la main façon showman, à l'aise à l'oral comme le prof d'histoire qu'il a été et le prof d'économie qu'il continue d'être quatre heures par semaine. Toujours une bonne formule pour capter l'attention, lui qui se vante de connaître l'ensemble des fables de La Fontaine. Il dépassionne ce qui pourrait faire fuir l'électorat déçu par Sarkozy :
"Je vous dis tout ce qui se dit sur le Président. On a le Président qui a tous les défauts. Il est complètement agité, il n'est pas dans la fonction. La fonction, il paraît que c'est d'avoir l'air intelligent quand on est un grand con", ajoute-t-il en imitant Chirac.
La salle est hilare. "Sarkozy, il est comme il est. Pense-t-on qu'il est inefficace ?" Succès garanti. "Nôôôn", entend-on dans la salle. "Alors faut-il tout arrêter au bout d'un mandat ?", demande-t-il. "On n'a jamais fait autant pour redresser la France que depuis 2007 ! Mais il faut un deuxième mandat car un Président réélu aura les mains libres."
Dithyrambique à propos de Sarkozy, Luca poursuit : "Je l'ai vu avoir le courage de changer les choses." L'heure du déjeuner arrive, il sent que ses ouailles ont faim, alors il conclut. "Je ferai la présidentielle à fond, dit-il car je sais ce que je ne veux pas et j'ai ma petite idée sur ce que je veux pour mon pays". Luca, définitivement, super avocat.
Marion Mourgue
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