Le bilan de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République et comme ministre de l'intérieur n'est pas celui de lutte contre la délinquance. Le bilan de l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique publié en juillet 2011 par la Cour des Comptes démontre le fiasco de la politique mise en oeuvre en terme de lutte contre la délinquance
..Car la lutte contre la délinquance nécessite justement de qualifier cette délinquance, mineur, majeurs, délinquance de rue ou économique et financière , délinquance environementale , et ainsi mettre en face de ces objectifs des moyens en terme de prévention et de répression...
La délinquance est une notion directement juridique et finalement précise: est délinquant celui qui commet des délits répertoriés dans le code pénal. Il faut donc pour le poursuivre mettre en oeuvre une police judiciaire, puis des magistrats qui pourront techniquement qualifier juridiquement ces infractions passibles des tribunaux correctionnels
Cette lutte contre la délinquance nécessite autre chose qu'une série de lois votés dans l'urgence pour satisfaire l'émotion d'un instant populiste.
La politique mise en oeuvre à partir de 2002 puis qui s’accélère à partir de 2007, n'a donc pas visé la lutte contre la délinquance mais la lutte contre l'insécurité et son sentiment dans l'opinion publique...
En clair, lutter contre le sentiment d'insécurité des Français ...ce n'est pas lutter contre la délinquance
Tous les instruments administratifs et juridiques mais aussi les méthodes médiatiques de story telling ont été convoquées pour opérer ce glissement et substituer à la lutte contre la délinquance la lutte contre le sentiment d'insécurité, à titre d’exemple:
- la police ne doit plus poursuivre des délinquants mais des " racailles"
- la délinquance elle même n'est devenue qu'une suite statistique dont le seul but est d'être exploité par un Office National de la Délinquance et des Réponses Pénales
- les instances partenariales avec notamment les collectivités locales deviennent des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance a partir de 2002 pour ensuite voir le 3/4 du budget de prévention de la délinquance orienté vers un plan d'implantation de caméras de vidéo surveillance : le budget 2011 du Fond Interministériel de Prévention de la délinquance se voit majoritairement affecté à l'achat de ces caméras ( 30 millions d'euros sur 51 millions d'euros) ...
La période 2007/2012 commence par un instrument législatif principal qui signe ce glissement vers une politique exclusivement centrée sur le sécuritaire : la Loi de Prévention de la Délinquance en date du 5 mars 2007 dont l'étendue n'en fait pas une loi pénale mais un projet politique sécuritaire visant a modifier la nature de notre Etat de droit: de la législation des chiens dangereux jusqu'à la création de nouvelles infractions destinés à accroître la répression des faits commis contre les force de l'ordre en passant par la généralisation du partage du secret professionnel , la création de conseils pour les droits et devoirs des familles, la mise sous tutelle des prestations familiales, cette loi instaure des dispositifs visant a substituer l'Etat social par un Etat sécuritaire..
S'en suivront par la suite des textes sur les peines planchers ( 10 août 2007), rétention de sûreté ( 25 février 2008) pour finir par la loi sur l'internement psychiatrique sans consentement ( 1 août 2011) , autant de texte qui , sous prétexte de la lutte contre l'insécurité, visent à changer la paradigme légal et s'affranchir des principes fondamentaux qui autorisaient l'Etat de supprimer la liberté de certains citoyens parce qu'ils étaient qualifiés et jugés définitifs comme ayant commis des faits délictueux.
Cette évolution, à laquelle , il faut ajouter les nombreux fichages informatiques achève de transformer tous les citoyens en des potentiels délinquants dans la dangerosité supposée les conduit à subir une procédure de contention...
Non seulement la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 est définitivement contournée lorsqu'elle prévoit dans son article IX "Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi.", mais encore la lutte contre la délinquance n'a jamais commencé.
Gilles Sainati
dessin : merci à Placide
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