N'étant pas à une imposture près quand il s'agit d'enfumer les Français, not’ Président, s'apprêtant à asséner un dernier coup de boutoir à notre modèle social avant de quitter son poste, a invoqué hier l'héritage du Conseil national de la Résistance dont il se veut le garant et le protecteur...
Pour ce bateleur en campagne dont la réélection semble compromise, tous les slogans sont bons. Et aussi les symboles, question de montrer qu'il est cultivé et qu'il s'y connaît en Histoire pour mieux nous en conter... Souvent, sa préférence va à la récupération de symboles de la gauche comme Jaurès, Blum ou Guy Môquet. Ainsi fait-il grincer les dents de ses opposants politiques, tout en flattant le prolo de base un peu ignare.
Hier, à Bordeaux, il s'agissait de nous embobiner sur l'avenir de notre protection sociale, mise à mal avec la crise. Qui dit protection sociale dit Sécu. Et qui dit Sécu dit "trou de la Sécu". Pour bien nous enfumer sur ce thème délicat, Sarkozy a donc dégainé son symbole : le Conseil National de la Résistance qui, à la Libération, a élaboré le programme instituant les fondements de notre modèle social tant envié… et méthodiquement écorné depuis sa création.
Les incantations du pompier pyromane
Nicolas Sarkozy estime — comme beaucoup d'entre nous — que l'esprit de 1945 a été trahi… mais pas pour les mêmes raisons :
«Pouvons-nous regarder notre système de protection sociale comme si rien ne s'était passé entre 1945 et 2011 ? […] Ceux qui ont trahi l'héritage du Conseil national de la Résistance, ce sont ceux qui ont refusé depuis des décennies toute réforme par lâcheté et par opportunisme politique. Ceux qui ont trahi l’héritage du CNR, ce sont ceux qui, pendant des décennies, ont bien soigneusement dissimulé aux Français qu’ils finançaient leur système de protection sociale à coup de déficits. Pendant des décennies, on a donc protégé les Français à crédit sans le leur dire. […] Là est la trahison de l’esprit et de la lettre de notre modèle social.»
Nicolas Sarkozy a identifié les traîtres. Sont-ce les politiques qui, depuis quarante ans, ont voté des réformes qui nous ont plongé dans la spirale de l'endettement ? Que nenni... Est-ce la mue du capitalisme qui, s'étant financiarisé dans les années 80 avec la bénédiction des politiques, a généré du chômage de masse, la précarisation de l'emploi et la baisse généralisée des salaires, asséchant par ricochet les recettes de la protection sociale ? Pas du tout !
Pour Nicolas Sarkozy, les responsables sont… les fraudeurs (et surtout les pauvres). «La fraude, c’est la plus terrible et la plus insidieuse trahison de l’esprit de 1945. C’est la fraude qui mine les fondements mêmes de cette République sociale que les frères d’armes de la Résistance ont voulu bâtir pour la France et nous ont finalement léguée. […] Le Conseil national n'a pas voulu d'un système d'aumône. Il a voulu construire un système digne pour une France démocratique et libre.»
A-t-il fustigé les employeurs, les professions libérales et les riches contribuables — en fait, son électorat… — qui, bien qu'étant les plus assistés du pays, fraudent à des niveaux incomparables en toute impunité ? Certainement pas. Il s'en est pris aux 35 heures et à la retraite à 60 ans, défendant SA réforme des retraites qui, il est vrai, est nettement plus proche de l'esprit de 1945 (:lol:)...
Ce qu'il a éludé
Nicolas Sarkozy a suggéré, sans s'étendre plus avant, qu'il s'était passé quelque chose entre 1945 et aujourd'hui. En effet,le tournant du milieu des années 1980 est capital et doit être choisi comme véritable point de référence pour comprendre ce que les salariés ont perdu. Sous l'impulsion d'idéologues ultralibéraux intégristes tels que Milton Friedman et ses disciples, le capitalisme a changé de braquet : alors qu'après la guerre, le temps de la reconstruction, il toléra trois décennies durant un relatif partage des richesses, il a brisé le contrat social en se financiarisant. Depuis 1982, la part des salaires (qui alimente la protection sociale) dans le PIB a perdu 10 points en faveur des profits (sans pour autant investir et créer des emplois). C'est pourquoi la protection sociale a bien du mal à suivre, faute de recettes suffisantes.
Nicolas Sarkozy ne s'est jamais élevé contre ce capitalisme sauvage et antisalarial qui avantage le pouvoir actionnarial et la spéculation au détriment de l'économie réelle et des individus dont il n'a plus besoin pour s'enrichir : au contraire, il l'a toujours cautionné ! C'est donc lui — «le Président des Riches» — et ses prédécesseurs qui ont réduit des millions de gens à l'«aumône» en laissant les emplois disparaître et en encourageant le travail en miettes qu'il pousse désormais à son paroxysme. Quant au mot «réforme», dans sa bouche, chacun a pu constater qu'il est synonyme de régression sociale.
Sarkozy, un traître qui ne s'ignore pas
Souvenons-nous des propos de Denis Kessler, ex vice-président exécutif du Medef qui, en octobre 2007, loua avec chaleurle programme du nouveau chef de l'Etat, fraîchement élu : «Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork tant elles paraissent variées, d’importance inégale et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de la retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme... A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance».
Comment, aujourd'hui, Nicolas Sarkozy peut-il oser se présenter comme l'héritier du CNR et le garant de l'esprit de 1945 ?
Le jour où il imposera un financement complémentaire de la protection sociale par une taxation conséquente, au même niveau que celle du travail, des profits et autres revenus financiers qui prospèrent grâce aux sacrifices des salariés et des chômeurs, là, on pourra lui reconnaître ce rôle. Mais ce que Nicolas Sarkozy veut instaurer pour renflouer les caisses, c'est une «TVA sociale» qui réduira le coût de travail afin de s'aligner sur l'Allemagne, monstrueuse erreur de diagnostic et véritable usine à gaz qui pénalisera davantage les plus faibles.
Retour aux sources
En 2005, treize vétérans du Conseil National de la Résistance nous appelaient à lutter contre les attaques d'une droite qui s'emploie à détruire toutes les conquêtes sociales de la Libération, dont la Sécurité sociale et son système de retraite :
«Comment peut-il manquer aujourd'hui de l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l'Europe était ruinée ? Les responsables politiques, économiques, intellectuels, et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie», disaient-ils.
Le message de ces vieillards humanistes et lucides est plus que jamais d'actualité.
SH
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